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Rien ne répond dans l’ombre, et la harpe et la flûte
Ont cessé leurs accords au fracas de sa chute.
Et plus jamais, ô bois, ô sources, plus jamais
Vous n’entendrez l’époux dire en tremblant : J’aimais.
Du haut des pins aigus envolez-vous, colombes !
Les vers et les serpents sortent des vieilles tombes,
Et renards et chacals rôdent, et les hiboux,
Gardiens de la ruine, ont niché dans ses trous.

Levez l’ancre, il est temps ! Fuyez, rapides flottes ;
Et du côté des monts ne cherchez plus, pilotes,
A la place du phare illuminant le soir,
Qu’un flamboiement pourpré sur un horizon noir.
Rien n’est plus ! Le Seigneur farouche, et las d’attendre,
De la Prostituée a balayé la cendre.
Et les morts bienheureux, endormis dans la paix,
Alors se sont levés sous les tertres épais.
Un long frisson joyeux passa sur les ruines,
Comme un souffle plus libre au travers des poitrines.
Et j’ai vu tout à coup dans l’espace éclatant
Un peuple immense et pur s’avancer en chantant ;
Et les ressuscités exulter, et les Justes,
Graves, vêtus de lin et de lumière, augustes,
Pacifiques, pieux, vengés et réjouis,
Monter vers la splendeur des cieux épanouis.