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ux,
Vers l’enfant nouveau-né tendait sa vaste gueule.
Et la femme au désert s’enfuit, sanglante et seule.

Un Esprit dans l’espace emporta l’enfant nu
Vers le Trône de gloire unique, et j’ai connu
Que c’était le Messie adorable, le Mâle
Qui, délivrant ses oints par l’onde baptismale,
Sous un sceptre de fer courbera pour mille ans
Les empires déchus et les gentils tremblants,
Et que la Femme en fuite et dans son lieu nourrie
Était l’Église sainte, hélas ! qu’en sa furie
Le monstre satanique au désert poursuivait.
Et le Dragon haineux rugissait et bavait,
Et vomissait vers l’âpre et sauvage refuge
Un fleuve plus fangeux que les eaux d’un déluge ;
Et la terre en s’ouvrant buvait le flot amer,
Et le Dragon debout hurlait devant la mer.

Telle la sève court sous une rude écorce,
Un noir venin gonflait sa queue agile et torse ;
Autour de sa couronne éclataient en fleurons
Les dix noms de blasphème incrustés dans ses fronts.
Et je vis sur le col défaillant de la Bête,
Lourde de caillots bruns, pendre une seule tête
Comme blessée à mort parmi les autres chefs,
Mais qui soudain, hélas ! par tressaillements brefs
Se redressa plus haute et plus atroce encore.

Et le cri de sa bouche était : — Adore, adore