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Par le flot débordant les villes submergées,
Avec leurs temples saints et leurs grands palais d’or,
Sombraient dans un abîme où les tours étagées
Seules, parmi la fange, étincelaient encor.

La terre, sous l’amas des moissons consumées,
Fermant la sépulture aux cadavres vaincus,
Oscillait sur sa base au choc lourd des armées ;
Et la Guerre hurlait dans ses clairons aigus.

Avares et jaloux, déchirant l’âme humaine,
Ainsi que des vautours, jusqu’aux derniers lambeaux,
Tous les Dieux, enivrés de fratricide haine,
Pleins d’insultes, entre eux luttaient sur leurs tombeaux.

La nuit religieuse où vous dressiez, ô prêtres !
En face de l’autel un bûcher fulgurant,
S’emplissait du sanglot désespéré des êtres
Et du cri des martyrs doutant en expirant.

Et voici que s’ouvraient les profondeurs de l’ombre
Où, s’armant de longs crocs et de fourches de fer,
Des bras hideux poussaient les nations sans nombre
Par milliers de troupeaux dans l’éternel enfer.

Alors Jésus pleura. Le sang expiatoire
Pour la première fois perle à son front navré,
Tandis que disparaît dans l’horreur de sa gloire
Satan splendide, énorme et toujours adoré.