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Les récoltes d’hier, hélas ! sont moissonnées,
Et Bèn-Sirach jadis a distillé son miel.
Miséricorde, amour, espoir : ô fleurs fanées
Du mystique jardin cultivé par Hillel !

Jésus ! Jésus ! la voix des sages est pareille
Au murmure confus d’innombrables palmiers
Vibrant l’un après l’autre, au vent qui les éveille,
Du même et grand frisson dont vibrent les premiers.

Tout est vieux sous le ciel et l’homme est las de vivre
Sous un même soleil, glacé, stérile et vain.
Les cœurs sont desséchés ; l’Esprit est tel qu’un livre
Qui déroule un chapitre identique et sans fin.

Vainement, sans que rien ne fleurisse ou renaisse,
Dans la paix douloureuse où ton rêve se plaît,
Immolant sans retour ta force et ta jeunesse,
Pêcheur désabusé, tu tendras ton filet.

Moi seul suis le pêcheur dont la barque est remplie.
Richesses, voluptés, vices et trahisons
Traînent dans le sillage où lutte et multiplie
L’humanité vorace autour des hameçons.

Le monde t’oubliera ; l’heure fuit et s’efface ;
Qu’importe ? O Rédempteur, va, console et guéris,
Avant d’ensevelir en ton âme trop lasse
Le remords éternel de ton œuvre incompris ! —