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Il parlait, et sa voix tentatrice et subtile,
Disant les anciens noms des peuples confondus,
Faisait subitement jaillir du sol fertile
Des murailles, des tours et des palais perdus :

— Jésus ! la terre est belle ; elle est riche ; elle est douce
A qui foule en chantant ses chemins embaumés.
La fleur s’épanouit, le fruit mûrit, la mousse
Plus qu’un lit nuptial charme les bien-aimés.

La terre a des lacs bleus, des bois de sycomores ;
La terre est mon empire et vaut ton morne ciel.
Mon empire est à toi, Jésus, si tu m’adores ;
Siège, fils de David, au trône universel.

Vois sous tes yeux au loin les pays et les races
S’étendre, et l’horizon s’élargir, et les mers
Que les vaisseaux aigus sillonnent de leurs traces
Bercer les nautoniers au chant des flots amers.

Là-bas, voici l’Egypte avec les Pyramides,
Memphis, Alexandrie, éclatante au soleil,
Le Nil où, jaillissant hors des vapeurs humides,
Navigue un Dieu caché sur un radeau vermeil.

Regarde ! Sous tes pieds surgit l’Asie entière.
Ici, l’Inde où, sauvant le monde infortuné
Par la vertu, l’amour, le jeûne et la prière,
Six siècles avant toi rêva ton Frère aîné.