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Plein d’angoisse, perdu dans le désert de pierre,
Ioseph interrogeait la Vierge aux chastes yeux.
Mais entr’ouvrant soudain sa divine paupière,
L’Enfant d’un long regard enveloppa les Dieux.

La lune, errant toujours, silencieuse et molle,
Sur ces spectres d’un monde immuable et vieilli,
Noyait d’un reflet mort l’antique nécropole
Où depuis deux mille ans rien n’avait tressailli.

Mais voici brusquement que dans la solitude
Un vent tumultueux souffla de toutes parts,
Qui souleva, parmi des flots de sable rude,
La poussière des temps sur les tombeaux épars.

Aux bras de Miryam, hors du lange rustique,
L’Enfant dressé traçait paisiblement dans l’air,
Vers les quatre horizons, un signe emblématique,
Etincelant et net comme un vivant éclair.

Sur leurs bases d’airain, de brique et de porphyre,
Un frisson convulsif courbait les Dieux impurs ;
Comme une brèche aux flancs d’un vaisseau qui chavire,
Des trous béants s’ouvraient dans l’épaisseur des murs.

Stèles où s’effaçaient de noirs hiéroglyphes,
Chapelles d’un seul bloc, tout croulait à la fois
Sur les Sphinx, qui rayant les marbres de leurs griffes
Reculaient dans la nuit où blêmissaient les Rois.