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Alors ayant lavé ta sueur importune,
Revêts le blanc méhil, et près de tes aînés
Va siéger en silence à la table commune
Et vide sans dégoût l’écuelle en terre brune
Où nagent les pains noirs, d’hysope assaisonnés.

Oublié, déjà mort, sans amour, sans famille,
Du seuil de ta maison repousse avec effroi
La femme au sein gonflé, qui sourit à sa fille.
Comme des épis mûrs tombés sous la faucille,
La moisson des désirs est faite autour de toi.

La femme est la ruine où l’opprobre se cache,
Comme un serpent subtil, en son flanc ténébreux.
Sa voix est un poison, son regard une tache,
Et son souvenir même au cœur rongé s’attache
Comme l’écaille abjecte à la peau d’un lépreux.

Homme, ne crains-tu pas le désert et les ombres ?
Veux-tu par la prière user tes deux genoux ?
Veux-tu, des jours passés balayant les décombres,
Jusqu’à l’heure suprême aimer les devoirs sombres ?
Alors, ô voyageur, ressuscite avec nous !

Alors, Essénien, joyeux et sans contrainte,
A la règle ascétique enchaîné librement,
Parmi les Guérisseurs pénètre dans l’enceinte,
Où s’épaissit la haie autour de la Loi sainte.
Par le nom de Mosché jure le grand serment.