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Et l’espoir oublié des chars triomphateurs,
Et le cavalier Parthe et l’empire et la vie ?
Antoine est à ses pieds ; Cléopâtre ravie
A plongé ses yeux d’or dans les yeux du Romain.
Et voici qu’il bondit et d’un bras surhumain
L’emporte. Et devant eux les vétérans épiques
Ouvrent leurs rangs charmés en abaissant les piques.

Ressuscite, ô suprême, ô mourant souvenir,
L’astre prodigieux des temps qui vont finir !
Comme une inextinguible et radieuse flamme,
L’Inimitable Vie embrase encore l’âme
De l’amante. Brillez en ses regards épris,
Clairs éblouissements des richesses sans prix,
Trésors, gemmes, joyaux, dont les flots magnifiques,
Débordants et pressés, semaient les mosaïques !
Ouvrez vos portes d’or, palais resplendissants !
Salles que parfumaient le styrax et l’encens,
Du haut des plafonds peints, taillés au cœur des cèdres,
Faites pendre et flotter sur l’ombre des exèdres
Le lin brodé d’Egypte et la pourpre de Tyr !

Ils s’aiment, les Amants royaux. On voit sortir
Du sol une moisson de roses quand ils passent.
Ils sont heureux, ils sont divins. Pour eux s’entassent
Aux tables des banquets la murène et le thon.
Pour eux le noir jongleur règle au bout d’un bâton
La danse des serpents que son chant apprivoise.