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Béni qui, vénérant les vieux jours de son père,
Se bâtit à soi-même une maison prospère
          Dans sa longue postérité ;
Qui, vêtant l’orphelin d’une tunique neuve,
Réserve pour le pauvre et l’infirme et la veuve
          Le froment qu’il a récolté !

Laissez les épis lourds tomber pour les glaneuses !
Aux buissons acérés si vos brebis laineuses
          Accrochent leur laine en passant,
Laissez les blancs flocons pendre aux branches. Peut-être
Une main tentera, que Dieu seul peut connaître,
          D’en tisser un manteau décent.

Rongé par une plaie horrible et corrompue,
L’avare inassouvi, l’âme jamais repue,
          Se nourrit d’un acre poison,
Et, louche trafiquant de son cœur mis en vente,
Compte son or maudit, se couché et s’épouvante
          Au bruit des pas dans sa maison.

La mort, qui fauche tout, le saisit et partage
Entre ses fils joyeux le tardif héritage ;
          Et lui, hors du tombeau jeté,
Pourrit, en proie aux vers, dans une ombre muette,
Sans que la pitié même en se détournant jette
          Un haillon sur sa nudité.