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J’aime ! que la maison lui soit joyeuse et chère !
Des tapis syriens couvrent le pavé froid ;
Sur la cour du milieu flotte l’ombre légère
D’un voile qui palpite aux clous d’airain du toit.
Le bronze étincelant clôt la porte sonore ;
Le plafond joint le cèdre au précieux santal ;
Sur l’enduit des parois l’habile Apollodore
A peint Médée errante et son amour fatal.
Pour mon amante, ici, le porphyre, les marbres,
L’onyx, le granit rose et l’ivoire incrusté
Semblent faire apparaître et vivre sous les arbres
Un peuple de héros épris de sa beauté.

Passez, passez, amis ! Cherchez s’il en est d’autres
Qui des plaisirs connus goûtent le vin vieilli.
Pour moi, ne craignant rien, ni -mon Dieu, ni les vôtres,
Je vis, j’oublie et j’aime, et mon cœur est rempli.

Schemouël-bèn-Mikah sort de l’ombre. Il est vieux ; ses regards luisent d’un éclat fiévreux. Il porte le costume des Hassidim, semblable à celui des anciens Nazirs : tunique de couleur foncée, ceinture de cuir fauve et manteau de poils noirs. Ses cheveux incultes pendent sur ses épaules.

Schemouël, dédaignant le groupe des jeunes hommes, marche droit vers Dorothéos et le regarde fixement.