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DOROTHÉOS.

Ne les irritez pas, enfants, contre moi-même !
Ma retraite est pieuse et les honore aussi ;
Ne troublez point la paix d’un rêve ignoré : j’aime !
L’amour seul est mon hôte, et mon âme est ici.

Celle qui m’a charmé, fille d’Alexandrie,
Reflète en ses yeux d’or le ciel Égyptien.
Un lotus rose meurt sur sa gorge fleurie ;
Sa tunique de gaze, errante et sans lien,
Comme un brouillard nacré s’entr’ouvre sur sa hanche :
Deux serpents ciselés mordent ses bras jumeaux.
Prêtresse du Mystère, elle est pâle ; elle penche
Sa bouche sur ma bouche en murmurant des mots.
Elle sait les secrets, les philtres, les paroles
Qui suscitent l’amour et calment les remords,
Et va cueillir, la nuit, au fond des nécropoles,
L’herbe des voluptés sur les tombeaux des morts.
Initiant ma lèvre à des plaisirs funestes,
Elle pleure, frémit, fuit mes baisers impurs,
Et dans l’ombre, en dormant, évoque avec des gestes
Des spectres indécis et des astres obscurs.

Esclave aventureux de sa beauté tragique,
J’ai voué mes destins aux funèbres amours,
Et dans le vert miroir de son regard magique,
Avec les longs désirs, puisé l’oubli des jours.