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Lorsque les loups charmés, dans les herbes profondes,
Brouteront au milieu des agneaux familiers.

Et maintenant, tais-toi ! Clos ta bouche, ô Sibylle !
Assez longtemps l’Oracle usa ta voix débile ;
Fais silence, ô Sabbé ! l’imposture arrachant
Ta destinée antique à la Tour inspirée
De ton berceau fatal ennoblit Erythrée.
Fille de Babylone, arrête ici ton chant !

Meurs ! le sommeil promis alourdit tes paupières.
Meurs ! Les vautours, posés en cercle sur les pierres,
Rassasieront leur faim de ta chair en lambeaux.
Mais les siècles, témoins de ta longue tristesse,
Recueilleront ton âme, ô grande Prophétesse,
Comme des fils pieux la cendre des tombeaux ! —






Et le vent prolongea la plainte obscure et lasse ;
Les nuages pressés qui montaient brusquement,
Tels que des monstres noirs, semblaient ronger la face
De Šin aux cornes d’or, saignant au firmament.

L’oreille encore ouverte à la voix sibylline,
Pleins d’une horreur sublime et tous les deux songeurs,
Les hommes sans parler descendaient la colline ;
Et l’angoisse hâtait les pas des voyageurs.