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me joignaient enfin et m’enveloppaient, mais sans me pénétrer. Je demeurais ferme et vive sous la pesanteur de la nuit, tandis que la terre, pleine de sommeil, communiquait le repos à mes membres et les gagnait à l’immobilité générale ; mon front veillait sans être frappé de langueur. Il était animé de tous les dons répandus par les dieux durant le jour, leur charme l’entourait, et la vie nouvelle que j’avais recueillie lui envoyait ses esprits enflammés.

« Callisto, revêtue d’une forme sauvage par la jalousie de Junon, erra longtemps dans les déserts. Mais Jupiter, qui l’avait aimée, l’ôta des bois pour l’associer aux étoiles et conduisit ses destins dans un repos dont ils ne peuvent plus s’écarter. Elle a reçu sa demeure au fond du ciel ténébreux qui répandit les éléments, les dieux et les mortels dans les entrailles de Cybèle. Le ciel range autour d’elle les plus antiques de ses ombres et lui fait respirer ce qu’il possède encore des principes de la vie, y joignant les atteintes du feu infatigable dont les émanations animent l’univers. Pénétrée d’une ivresse éternelle, Callisto se tient inclinée sur le pôle, tandis que l’ordre entier des constellations passe et abaisse son cours vers l’Océan. Telle, durant la nuit, je gardais l’immobilité au sommet des monts, la tête enveloppée d’une ivresse qui la pressait comme la couronne de pampre et de fruits qui entretient aux tempes de Bacchus une jeunesse inaltérable. »

Ainsi m’instruisait Aëllo par le récit de ses destiné