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Entre Noël et le jour de l’an, le temps se raffermit ; il tourna au froid sec et promettait de se maintenir ainsi jusqu’après les fêtes. Le chemin durci crissait sous les lisses des traîneaux. Chaque nuit les clous éclataient dans les murs et, crispés, les liards pétaient autour de la maison. Le père Didace en augura du bon. Il dit au Survenant :

— Si le frette continue, le marché des fêtes nous sera profitable !

De grand matin, le vendredi suivant, veille du premier janvier, les deux hommes se mirent en route pour Sorel. Le pont de glace était formé sur le fleuve. Les habitants des îles du nord ne tarderaient pas à se rendre au marché, avec les coffres de viande. On se disputerait les bonnes places.

Sans respect pour sa charge, Gaillarde, les oreilles dressées, partit bon train. Didace dut la retenir :

— Modère donc, la blonde ! Modère, la Gaillarde. Tu t’en vas pas aux noces, à matin. Prends ton pas de tous les jours. On a du temps en masse.

Docile au commandement, la jument assagit son trot. Souvent le Survenant demandait à conduire mais le maître cédait rarement les guides. Didace les enfila en collier et ne dit plus un mot. Déjà le frimas