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LE SURVENANT

À tout moment il rebondissait sur ses jambes. On croyait qu’il repartait : il allait simplement lever le rond du poêle où cracher dans le feu et retournait s’encanter dans la chaise, ses deux pieds étirés sur la bavette du poêle.

— Puis toi, Phonsine, tu fais pas baptiser ? Puis Amable ? Puis le Survenant ? Puis Ludger ? Puis Z’Yeux-ronds, il jappe toujours ?

Tous y passèrent. Quand il arriva au tour de Marie-Amanda, il se contenta de lorgner obliquement de son bord :

— Puis les gens de l’Île de Grâce ? Ils me font l’effet d’être prospères, d’après ce que je peux voir.

Son butin de nouvelles grossissant à chaque maison, il s’attardait davantage à mesure que sa tournée avançait. On eût dit que c’en était là le but principal, plutôt que la vente de sa marchandise.

* * *

Marie-Amanda se faisait une joie d’assister à la messe de minuit. À la demande du père Didace, le Survenant accepta de garder la maison. Il ne se fît pas même prier. Marie-Amanda le rassura sur le compte de la nuit : les enfants ne s’éveillaient jamais. Son mari, Ludger Aubuchon, la rejoignit à l’église de Sainte-Anne et, après la messe, les gens du Chenal