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LE SURVENANT

pipe à l’abri du vent, à la vérité pour reprendre son souffle. Vers la fin de l’après-midi, désarmé et fourbu, il avoua comme à regret sa défaite au Survenant :

— J’aurais aimé ça, mon jeune, qu’on vinssît se baucher sur l’ouvrage, nous deux, y a une trentaine d’années.

— Trente ans ? La vie d’un homme ! Vous y allez pas à petits frais. Aurait fallu juste ça pour me battre : j’étais encore dans le ber.

Pendant une brève absence du Survenant, Alphonsine, dans l’espoir mi-conscient de recevoir une réponse incriminante pour l’étranger, avait couru s’enquérir auprès de son beau-père :

— Quelle sorte de journée, le Survenant ?

Didace Beauchemin, qui n’admirait rien autant que la force chez un homme, avait admis comme en y réfléchissant :

— C’est un homme qui se vire ben vite et qui peut se virer vite longtemps.

Même il avait ajouté, de l’amitié plein la voix :

— Ce bougre-là m’a presquement fait attraper un effort.

Le même soir, tandis que les deux Beauchemin ne demandaient qu’à se faire piloter les reins, tellement ils étaient restés de fatigue, Venant avait passé la porte et, par besoin de se délasser les jambes,