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Marie-Amanda retourna à l’Île de Grâce et le reste de la semaine, Didace, visiblement en peine de son corps, traîna d’une fenêtre à l’autre. Cent voyages par jour, de la maison à l’étable et aux bâtiments ne parvenaient pas à tromper son ennui. S’il avait pu trouver quelqu’un avec qui s’entretenir du Survenant. Angélina ? Dès qu’il était question de lui, elle devenait plus blême qu’une carpe pâmée. David Desmarais le boudait comme s’il l’eût tenu responsable du malheur de sa fille. À la maison, le Survenant semblait déjà oublié et les autres au dehors ne se souciaient plus d’en parler.

Sans cesse à l’affût d’une oreille complaisante, Didace guettait les rares passants. Du plus loin qu’il en entrevoyait un, il courait au chemin.

Un soir qu’il attrapa ainsi à la volée Pierre-Côme Provençal, le gros homme sous son poids faisant canter la voiture légère jusque près de terre, Didace crut bon de prendre la part du Survenant :

— Tu sais, mon Côme, quand un jeune comme lui a pris la route en amitié, tôt ou tard faut qu’il retourne à elle. Il peut pas déroger.

D’un mouvement d’épaules, Pierre-Côme Provençal ramassa son corps énorme comme pour mieux