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LE SURVENANT

De leurs regards courroucés les partisans de Cleophas firent comprendre à l’effronté de modérer ses transports. N’y allait-il pas de l’honneur de tout un camp ?

— Prends ton temps, Cleophas !

Le maillet en main, celui qu’on nommait Cleophas continua à s’exercer de toutes les manières à frapper la boule, mimant un petit coup à droite, un moyen coup à gauche, un grand coup en plein centre. Son partenaire ne lui ménageait pas les conseils tandis que les adversaires, rongés d’inquiétude, tourmentaient leur moustache. Soudain il se redressa et l’on put voir sa figure, aussi rouge qu’une fressure de porc. Avec l’air d’un désespéré, décidé à tout, il jeta un regard de stratège à l’arceau qu’il s’agissait de franchir. On crut qu’il prenait son élan pour quelque coup décisif, mais non : de ce pas spécial, léger et nonchalant qu’ont certains obèses, il allait simplement mesurer la distance de la position de sa boule à celle de l’adversaire. Un murmure de désappointement parcourut la bande.

Venant ne voulut pas suivre la partie davantage.

— Marche, marche !

Délassé de l’oisiveté de l’écurie, le Blond reprit le petit trot, sa vaste croupe soyeuse, d’un flic flac en cadence, ondulant sans repos.