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LE SURVENANT

Leur gros rire résonna longtemps sur l’eau. Mais après qu’ils se furent éloignés des Provençal, Didace dit à Venant :

— Lui, c’est le vrai cultivateur ! Quatre garçons, quatre filles, tous attachés à la terre, toujours d’accord. Ça pense jamais à s’éloigner ni à gaspiller. Et l’idée rien qu’à travailler et à agrandir le bien.

— Il vous aurait fallu des garçons de même, observa le Survenant.

— C’est ben là ma grande peine. Au moins si le dernier eusse vécu. Mais, Amable, lui, je peux presquement pas compter dessus pour prendre soin de la terre. Quand je serai mort, aussi vrai que t’es là il la laissera aller. Il est pas Beauchemin pour mon goût. L’ouvrage lui fait peur, on dirait. Toujours éreinté, ou ben découragé. Le bo’homme Phrem Antaya tout craché ! Il a apporté ça de sa mère. Du côté des Antaya, il y avait rien que Mathilde de vaillante. Les autres, les frères, les sœurs, tous des flancs mous. Torriâble ! à l’âge d’Amable, dans le temps qu’on battait encore au fléau et qu’on fauchait de grandes pièces de foin à la faux ou ben à la faucille, j’avais le courage d’enjamber par-dessus la grange. Je me rappelle qu’un printemps l’eau avait monté assez haut qu’on a dû rapailler notre butin partout, passé les îles et jusque dans l’anse de Nicolet. Après, pour venir à bout de se gréyer