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LE SURVENANT

— Je cherche personne, Beau-Blanc. Va pas te mettre des idées croches dans la tête. Une poussière m’a revolé dans l’œil, c’est tout.

Courageusement elle essuya ses yeux brûlés de larmes et hâta le pas.

* * *

Le lendemain, à la sortie de la messe, Angélina, le cœur encore serré, s’achemina vers sa voiture, n’osant parler à qui que ce soit, sur le perron de l’église, ni lever la vue sur personne. Tout à coup elle s’arrêta, éblouie ; éblouie et à la fois effrayée de se tromper. Son cœur battait fort contre sa poitrine comme pour s’en échapper et courir au-devant du bonheur. Elle le comprima à deux mains et écouta : dans le midi bleu, un grand rire clair se mêlait à la cloche de l’angélus et les deux sonnaient l’allégresse à pleine volée. Angélina tourna légèrement la tête. Parmi un groupe de jeunes paysans habillés d’amples complets de drap noir, coiffés de casquettes beiges et chaussés de bottines bouledogues, selon la mode du jour, la figure colorée du Survenant, les cheveux roux au vent, tranchait sur le rideau de ciel pur. Il aperçut Angélina ; de sa démarche molle et nonchalante, il s’avança vers elle. Et déboutonnant son mackinaw, il en tira une petite boîte à moitié déficelée :