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LE SURVENANT

— Le rat de ruisseau, ou le rat du nord, peut-être ben, mais le rat des îles est trop ben nourri, trop gras, pour ça.

Le trafiquant comprit qu’il n’aurait pas le dessus. Il baissa de ton :

— C’est pas pour mon plaisir que je ramasse les peaux. Je fais pas une cent de profit dessus, mais seulement pour accommoder une petite clientèle.

Ils parlementèrent encore un peu, jusqu’à ce qu’ils convinssent d’un prix pour la chasse de la saison : dix cents la peau. Tant que dura l’entretien, chaque fois que le commerçant renouvela l’offre de boire, le Survenant dut avaler double rasade, sur l’invitation de Didace Beauchemin :

— Prends mon coup, Survenant.

* * *

Le samedi saint, vers l’heure du midi, les habitants qui tenaient éventaire au marché de Sorel depuis la veille se hâtèrent de regagner leur demeure. Tel que convenu, Angélina attendit le Survenant. Après l’avoir attendu vainement jusqu’à deux heures, elle se rendit à l’« Ami du Navigateur », puis visita les magasins environnants et se hâta de retourner au premier endroit, sans trouver trace du Survenant. Afin de se donner meilleure contenance,