Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
LE SURVENANT

Les chaises s’écartèrent. Le plancher cria sous le martellement des durs talons des hommes. Un tournoiement de jupes fit rougeoyer le milieu de la place. Déjà un « calleur » de danses annonçait les figures en scandant les syllabes : Sa-lu-ez vot’ compa-gnée !… Ba-lan-cez vos da-mes !

Le bruyant cotillon s’ébranla.

Vire à gauche ! Peu habitués à la danse qu’ils n’aimaient point, les garçons du Chenal s’essoufflaient vite et suaient à grosses gouttes. D’un geste brusque ils arrachaient le mouchoir accroché sous leur menton et, à grands coups, s’en essuyaient le visage. Ils en tiraient une sorte de fierté :

— Aïe ! Regarde-moi donc : j’suis mouillé quasiment d’un travers à l’autre !

— Ben tu m’as pas vu ! J’suffis pas à m’abattre l’eau !

Et tourne à droite ! Vitement ils emboîtaient le pas, de peur de perdre la mesure et de se rendre risibles, par leur gaucherie, aux yeux des filles. De nouveau ils leur enserraient la taille comme dans un étau. Du rire franc plein les yeux, elles renversaient la tête et tournaient sans gêne comme sans effronterie.

Ensuite les danseurs se placèrent en rond autour de la salle et les mains des filles se joignirent aux mains des garçons pour la chaîne des dames. Dans