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PASSAGE DE L’HOMME

lait pas fondre, on serait en retard pour les labours. Pas moyen d’accoutrer les haies, ni de porter les fumiers aux champs, ni de planter les arbres qu’il fallait. Et ils parlèrent encore des deux vaches qui allaient vêler.

« Allons, le Père, dit l’Homme, tout ça s’arrangera bien sans nous. Ce qui se fera, ce sera sûrement le mieux, et ça viendra quand ça devra venir. »

Il disait ça, mais sa pensée était absente ; il regardait un vieux calendrier, qui nous avait été donné par l’épicier de la ville, qui était en même temps perruquier. Ça représentait un grand bateau entrant au port, et les cheminées, rouges et noires, étaient toutes brillantes de mica. Dessous on lisait, je me rappelle : « Nicolas Leroy, Épicerie Fine. Vins et Liqueurs. Cafés de choix. » « Ah ! dit la Mère, en ces temps-là, les marchands donnaient de belles choses ! Tenez, celui de dessous, non, pas celui-là : celui du dessous encore, eh bien, c’est le Caïffa qui nous l’avait offert. Hein qu’il est beau ? » Mais l’Homme secouait la tête, et il entreprit doucement de montrer à la Mère que toutes ces choses n’étaient pas belles, que c’était du mauvais travail, que ça parlait d’histoires qu’on ne connaissait pas, et que tout cela, on ne l’acceptait que parce que ça venait de la ville. Et