Page:Grout - Passage de l'homme, 1943.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
PASSAGE DE L’HOMME

vais de la laverie — posa doucement la bûche où il fallait, bien lentement, à la place exacte. Et il souriait en faisant ça. Et il souleva la cognée d’un geste pareillement paisible. Et elle tomba de son poids à elle, à peine aidée par son effort à lui. Tout au moins, c’est ce qu’on aurait cru. Mais la bûche ne se fendit pas. Il sourit un peu plus encore, comme s’il y avait eu là quelque chose de plus qu’amusant, comme de curieux, presque d’étrange. Et il changea la bûche de place, la regardant d’abord, et puis la retournant, et comme la flattant de sa grosse main. Et de nouveau il saisit la cognée. Et de nouveau, la bûche lui résista. Il était baissé encore, et tenait encore la cognée, et je n’osais regarder son visage : je me rappelais le visage du Père, cette grande souffrance, cette grande colère, et je redoutais que le visage de l’Homme ne fût pareillement défait, ne fût pareillement méconnaissable. Je tenais au visage de l’Homme. Je regardai enfin, et il n’y avait sur la face de l’Homme qu’une grande lumière, qu’une grande lumière reconnaissante et belle. Et l’Homme prit bien sagement la bûche et la porta un peu à droite, où elle resta seule dans le soleil. Et il dit à Claire qui passait : « Elle attendra ! Elle a besoin de s’attendrir ». Puis il continua. Il ne revint à elle qu’après une heure, quand