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PASSAGE DE L’HOMME

avait exigé des preuves : l’Homme avait dû partir, pour voir. Et il avait visité d’étranges pays, et chacun d’eux, sûrement, était étrange, mais ce n’était tout de même qu’un pays, un pays quelconque de la terre, et singulier seulement pour celui qui venait d’ailleurs. Et il avait connu la mort… « L’Éternité, dit l’Homme, comme répondant à ma pensée, l’Éternité, la mienne, n’était aussi qu’un jeu d’enfant. Les Iles ici, et puis, là-haut, l’Éternité : des jeux d’enfant. La terre, Geneviève, d’abord savoir la terre, et puis l’aimer, sa terre à soi, avec les herbes qui y poussent et les créatures qu’elle nourrit ! Pour ce qui est des dieux, on verra ça plus tard, s’il reste encore assez d’amour. » Je lui rappelai alors, et sans y croire, les Choses des Iles. Je parlais désespérément, comme il arrive devant quelqu’un qui souffre : on croit que les mots, à la longue… « Les Choses des Iles ! Quel malheur ne guérirai-je pas si je viens à l’homme avec des yeux bien clairs, avec une voix qui parle haut ! Chacun essaie de se mentir à soi, mais l’histoire qu’on a inventée, soi-même pour soi, il est difficile quelquefois d’oublier qu’on l’a inventée. Qu’alors s’en vienne quelqu’un qui dise : « Avance et crois ! Ce à quoi tu n’oses t’attacher, parce que c’est beau, cela est vrai, cela, même, est la seule vérité, et