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PASSAGE DE L’HOMME

la créature de peur, comme je vous ai dit, mais une femme d’âge, déjà, et bien posée, et parfois un brin malicieuse. De sa maladie d’autrefois, elle ne gardait qu’un tic qui lui faisait parfois froncer le nez, mais ce froncement, bien que répété, était si expressif, tombait si juste dans les mots qu’elle disait, qu’on ne savait plus bien si ce n’était pas là une façon à elle, toute volontaire. Marie la Carrière parla doucement. C’était bien gentil à Monsieur le Curé des Collines d’être venu les visiter. Elle se rappelait d’ailleurs que ce n’était pas la première fois. Il était venu, une autre fois, pour cette hostie tombée du tabernacle. Seulement, il n’était pas resté longtemps. Non : il avait sans doute affaire ailleurs, et puis le village n’était pas sûr. On a beau être le serviteur de Dieu, on tient aussi à faire une vie qui ne se finisse pas trop tôt. Marie la Carrière comprenait ça. Peut-être que Dieu le comprenait aussi. Seulement, voilà, on avait pris l’habitude de vivre entre soi, même pour ces choses pour lesquelles autrefois Monsieur le Curé était un homme indispensable. Et c’est comme si on avait changé de religion. Non, on n’avait plus besoin de faire baptiser les enfants, ni de se confesser, ni de communier. Pour les mariages, même, les choses avaient pu s’arran-