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deuxième volume 1915-1920

l’aimable simplicité de la haute bourgeoisie française. C’est fait acquis. Beaucoup de charme, beaucoup de finesse, mais aussi beaucoup de naturel dans l’accueil. Une élégante fleur de la meilleure civilisation. René Bazin habite à Paris un appartement à peu de distance de l’église Saint-Philippe-du-Roule. L’appartement est modeste. Ses livres qui ont pourtant connu les grands tirages ont donné l’aisance à l’écrivain, sans lui apporter la richesse. Naturellement, à table, on me fait parler du Canada, et particulièrement du Canada français. On en parle encore, après le dîner, dans une petite pièce, très simple elle aussi, où nous passons nous asseoir et où, tout en parlant, René Bazin s’amuse à tisonner le feu d’un foyer. Il paraît extraordinairement intéressé par le sujet d’enquête que va mener bientôt notre Action française de Montréal : « Notre avenir politique ». C’est à ce dîner aussi qu’il m’entretient de sa rencontre avec Olivar Asselin avec qui, sur la fin ou au lendemain de la guerre, il avait dîné dans un restaurant de Paris. Asselin, très Français de France et échauffé peut-être par le bon vin, s’était levé tout à coup à la fin du repas, les yeux mouillés, et avait improvisé, devant tout au plus quelques convives, une tirade, un hymne à la culture française, à sa finesse, à son immortelle royauté dans le monde. « Ce fut, me dit Bazin, charmant et émouvant. »

Chez le prince de Bauffremont

Je vais dîner, vers le même temps, chez M. Émile Lauvrière, l’historien de la Tragédie d’un peuple, brave homme, à mine de pédagogue, mais avec des yeux doux. Il me paraît assez fier de son œuvre, œuvre d’un historien passionné, mais qui, pour l’histoire de l’Acadie, marque toutefois un pas en avant fort notable. D’autres dîners prennent plus de solennité. Tous les quinze jours, un serviteur m’apporte à Jean-Bart une carte de M. le duc et prince de Bauffremont. On m’y convie à dîner le dimanche suivant. Henri d’Arles, généralement invité lui aussi, vient me prendre. Je connais le prince depuis le temps de Valleyfield. Il avait fondé, avant la guerre, une revue qui s’appelait la Pensée de France