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mes mémoires

Frères, mais au couvent de ma paroisse. Or, voici comment la chose advint. J’avais six ans. Le couvent était en reconstruction. Mon beau-père y charroyait de la pierre. À quatre heures de l’après-midi, à la sortie de l’école, je me rendais en hâte vers le couvent, dans l’espoir de profiter de la voiture pour mon retour à la maison. Un jour, des religieuses m’entourèrent. Elles me posèrent toutes sortes de questions savantes, dont naturellement je me tirai avec avantage. Mon père, témoin de l’interrogatoire, s’empressa d’apprendre aux religieuses, qu’en sus et par-dessus tout, je possédais une très jolie voix ! Eh oui, pas moins que cela ! Enfant, l’on est toujours, par quelque côté, une petite merveille pour les chers parents. Les religieuses, les bras croisés, m’invitèrent à chanter. La poitrine cambrée, j’entonnai de ma plus « jolie voix », la première strophe de l’Ave maris Stella. Ce fut un émerveillement. La Sœur Marie-Aldégonde — je n’ai pas oublié son nom — courut me chercher une image, une image de saint Jacques le Mineur — autre détail qui m’est resté bien gravé dans la mémoire. Longtemps j’ai gardé précieusement, dans ma petite boîte, cette première image gagnée au couvent de ma paroisse. Feuille séchée comme il en est tant qui jonchent la mémoire des vieillards.

Un jour même, plus tard, jeune prêtre, appelé à prendre la parole à une distribution de prix, au couvent de ma paroisse, je racontai cet incident de ma première image de saint Jacques le Mineur, gagnée par un jeune chanteur qui en est resté à ce seul exploit.

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Élections de 1891

Raconterai-je un dernier incident de ma vie écolière : les petites élections de 1891 en mon village ? Autre événement dont j’ai fait le récit, un récit que je puis dire authentique, dans les dernières éditions de mes Rapaillages. Entraînés, électrisés par des élections partielles répétées, les petits gars de l’Académie des Frères décident, un de ces matins d’hiver, de jouer, eux aussi, aux