Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/323

Cette page a été validée par deux contributeurs.
313
deuxième volume 1915-1920

Dès mon arrivée à Ottawa, où je me rends pour ma réception à la Société Royale, j’apprends l’extraordinaire effervescence des esprits. Un groupe considérable des membres des sections anglaises de la Société a résolu de s’opposer carrément à ma réception. Parmi mes collègues canadiens-français, chefs ou pontifes de la section I, MM. Thomas Chapais, Benjamin Sulte, le sénateur Pascal Poirier, l’alarme est au plus haut. On déplore les audaces inconsidérées du jeune professeur. On ne lui ménage pas les anathèmes. Et ces braves sociétaires de lever les bras au ciel et de chercher comment sortir de l’impasse. Que s’est-il donc passé ? Je l’apprendrai quelques jours plus tard. Le secrétaire général de la Société m’adressera, à Montréal, un dossier où je trouverai, traduits en anglais, vingt extraits de ma conférence sur « Les droits du français », prononcée à l’Université de Montréal, le 12 avril 1916, puis un exemplaire de La Confédération canadienne, ses origines, annoté au crayon rouge aux passages suspects. Qui a préparé ce dossier et qui l’a expédié aux membres anglais de la Société ? Une lettre de M. Duncan Scott, qui accompagne le dossier, me le laisse clairement entendre : le dossier vient de Montréal et de quelqu’un de mes compatriotes. Je n’en serai pas plus étonné qu’il ne faut. Les plus mauvais coups, les incompréhensions les plus pénibles ne me sont pas venus des Anglo-Canadiens, mais de mes propres compatriotes. Cependant je m’empresse de le faire savoir à mes collègues de la section française, et surtout aux promoteurs de ma candidature : « Pas la peine de faire tant de bruit ni de se donner tant de mal ; je n’ai pas désiré cette admission à la Société Royale, leur dis-je ; je n’éprouve nulle peine à y renoncer. Laissez-moi reprendre tranquillement le train de Montréal. » Mais on ne l’entend pas de cette oreille. À Mont-