Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/321

Cette page a été validée par deux contributeurs.
311
deuxième volume 1915-1920

Nos énergies nationales, nous les avons exaltées tour à tour ; on nous a vu compter tantôt sur l’une tantôt sur l’autre pour tout sauver, comme s’il était au pouvoir d’une seule de suppléer toutes les autres.

Sans doute qu’il faut respecter une hiérarchie et que toutes les forces n’apportent point au salut commun une égale contribution… Mais qui dit hiérarchie dit dépendance réciproque… La première puissance d’un peuple est faite de sa santé, qui est faite elle-même de l’équilibre de toutes ses valeurs. Et voilà pourquoi il faut enfin, coûte que coûte, faire cesser l’éparpillement de nos efforts, les charges isolées et sans lendemain. Plus que sur la bataille ardente et passagère, il nous faut apprendre à compter sur la bataille pacifique et patiente, celle où, dans le recueillement du travail quotidien, dans l’ordonnance de notre activité, nous allons entreprendre d’harmoniser notre vie profonde.

J’arrête ici ces souvenirs sur mes débuts à L’Action française. J’aurai l’occasion de revenir à cette œuvre qui, plus que toute autre, hélas, allait tant m’éparpiller et dévorer mon temps. Période d’agitation fiévreuse déjà où je me livre avec trop d’élan. Entraînement irrésistible de la vie active où l’on croit tout gagner parce qu’on a beaucoup parlé, beaucoup écrit, beaucoup agi. Illusion qui m’apportera plus tard des démentis si cinglants !

Réception à la Société Royale (1918)

Parmi les tentatives de mes amis pour m’attirer en toutes sortes d’aventures étrangères à mes travaux d’histoire, j’insère ici mon élection à la Société Royale du Canada. Cette élection se corse de quelques incidents qui ne manquent point de piquant. On y verra, en même temps, quelles ont pu être, en certains milieux, les réactions de mes premiers travaux d’historien.

Je dois cette savoureuse aventure à trois de mes amis : MM. Antonio Perrault, Édouard Montpetit, Georges Pelletier, déjà membres de la Société. Paul Dulac (Georges Pelletier) a raconté