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mes mémoires

entre nos doigts le flambeau de nos destinées, et la grande force surhumaine nous fait ployer les genoux et joindre les mains.

L’article que je m’étonne le plus de retrouver en ce premier volume de L’Action française, c’est celui de « Notre enquête ». L’enquête annuelle sur l’un ou l’autre des graves problèmes du Canada français ce devait être, pendant toute la vie de la revue, la pièce de résistance, le clou à enfoncer dans le cerveau de l’élite. Qu’on m’ait prié d’annoncer la première de ces enquêtes et d’en exposer le sujet me donne à penser que l’on me considère déjà un peu comme l’un des chefs de l’équipe et que je n’en ai pas fini avec cette entreprise d’action intellectuelle et nationale. Aurais-je moi-même préconisé cette méthode de l’enquête ? En aurais-je proposé le premier sujet ? Ce premier essai orientera les recherches de l’équipe vers « Nos forces nationales », série de douze études dont chacune constituera l’article de tête, en chacun des numéros de la revue. Dirai-je qu’une particularité me frappe en l’article où j’annonce l’enquête ? Déjà je retrouve mon insistance à ramener le problème national à une conception synthétique. L’Action française porte quelque peu le faix ou le pli congénital de la Ligue qui l’a fondée et dont elle est devenue la tribune : la Ligue des droits du français. Quelques-uns de ses directeurs, surtout le Père Joseph-Papin Archambault, s.j., — qui écrit sous le pseudonyme de Pierre Homier, — ont par trop tendance à réduire la question nationale à la défense du français et, en particulier, à une œuvre de « refrancisation ». Pour ma part, la pratique de l’Histoire, si brève qu’elle fut alors pour moi, n’a pas tardé à me révéler l’ampleur et la complexité de toute vie de peuple. Une idée, un point capital en tout cas, sur lesquels je ne cesserai plus d’insister, rappelleront précisément l’urgence d’aborder nos problèmes en une rigoureuse vue d’ensemble qui soit à la fois organique. J’écris donc :