Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/312

Cette page a été validée par deux contributeurs.
302
mes mémoires

« La Naissance d’une Race »

Toutefois, avant d’entreprendre l’étude du Régime britannique, je sens le besoin de me donner une vue d’ensemble du régime précédent. L’histoire est une continuité et qui ne s’explique bien que si l’on tient toutes les mailles de la chaîne. Considération qui m’amène à professer et à écrire, pour l’année 1918-1919, « La Naissance d’une Race », essai de synthèse qui me permettra d’aborder, dans les deux années qui vont suivre, « Lendemains de conquête » (1919-1920), puis le premier volume de Vers l’émancipation, le seul que j’ai publié d’une longue série restée heureusement dans mes cartons.

Dans Le Devoir, à une date non indiquée dans mon spicilège, mais qui est de l’automne 1918, M. Héroux, toujours fidèle en sa publicité gratuite, annonce mes cours sur la « Naissance d’une Race ». Je transcris ici quelques parties de son article. Il semble bien que mon ami fût au courant de mes projets. Il écrit :

M. l’abbé Groulx avait d’abord raconté Nos luttes constitutionnelles. L’année suivante, il essaya de jeter un peu plus de clarté sur les causes et les circonstances de l’insurrection de 37-38. Il a fait, l’an passé, le récit des origines de la Confédération. Il remonte, cette année, aux sources mêmes de notre histoire. Il y a peut-être, dans sa décision, un peu du sentiment qui fit jadis bondir le jeune Garneau. On se rappelle l’incident classique : le ton méprisant de l’Anglo-Canadien disant au petit étudiant québecquois : Mais vos ancêtres, qu’est-ce qu’ils ont fait ? Et la fière décision d’où sortit notre première grande histoire : Je vous l’apprendrai ! M. l’abbé Groulx a dû plus d’une fois souffrir de l’ignorance de trop des nôtres et frémir sous l’injure qu’adressaient à nos aïeux, avec la plus grande candeur du monde parfois, certains écrivains étrangers. Il a voulu disposer une fois pour toutes de certaines légendes, appuyer sur des faits et des textes précis leur réfutation…

Ces lignes suivent un long paragraphe où M. Héroux, après une courte note sur le public de mes cours et l’attitude de mon auditoire, définit, non peut-être ma méthode, mais ma conception de l’histoire : conception, j’en conviens, qui comportait quelques éléments hétérodoxes, et surtout, comme on dirait aujourd’hui, une part d’histoire trop « engagée » :