Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/308

Cette page a été validée par deux contributeurs.
298
mes mémoires

cette année-là, que j’ai consenti à publier. Devenu un peu plus sûr de mon métier, je me rends compte qu’un ouvrage d’histoire, plus que tout autre, doit savoir dormir au fond des tiroirs. Et non seulement parce qu’il a besoin du refroidissement accoutumé, mais dès lors, cette persuasion s’est faite en moi qu’une documentation n’est jamais à bout de fin et que nulle expression n’est plus vaine ni plus prétentieuse que celle d’ « histoire définitive ».

« Les Origines de la Confédération canadienne »

Mon sujet de l’année suivante : 1917-1918 m’est dicté par les circonstances. L’on est au cinquantenaire de la Confédération. Que s’est-il passé au juste en 1867 ? Qu’était-ce que ce contrat politique intervenu alors entre les provinces canadiennes et dont certains articles ont, au cours du demi-siècle qui a suivi, donné lieu à tant de débats passionnés ? La première Grande Guerre n’est pas encore terminée. Jamais, pas même aux jours sombres du riellisme, ni aux périodes les plus agitées de la querelle scolaire du Manitoba, n’a paru plus fragile l’entente entre les deux races. Nos associés anglo-canadiens usent par trop généreusement de la vieille arrogance des conquérants. Par ses silences et ses lacunes, la Constitution fédérative serait-elle responsable de ces mésententes, de cette désunion ? Les bâtisseurs du nouveau Canada, ceux qu’on appelle les « Pères de la Confédération », surtout les « Pères » du Canada français, auraient-ils effroyablement manqué de vision ou de sens politique ? Autant de problèmes qu’il me faudrait examiner. Et cette fois, il est entendu que j’aurai à publier mon cours d’histoire. Aucun ouvrage d’ensemble en langue française n’existe, à l’époque, sur ce sujet historique capital. L’heure presse, me dit-on, de renseigner l’opinion. J’entends néanmoins, faute toujours de temps et de moyens, restreindre le plus possible mon sujet. Mon cours aura pour titre : « Les Origines de la Confédération canadienne ». Il ne laisse pas de susciter quelques remous. Nous vivions, vais-je le répéter, des heures cruelles. La guerre a chauffé à blanc les susceptibilités des impérialistes. Entre eux et les nationalistes canadiens-français, la passion est bien proche d’atteindre au paroxysme. Un