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traiter. Peu importe. On lit un quart d’heure, dix minutes, peut-être moins, jusqu’à ces heureux moments où parfois le démon intérieur vous met du feu aux tempes et vous pousse à saisir la plume. Que l’on essaie la recette et l’on verra ce qu’il est possible de lire en une vie d’homme. À propos de ces lectures préparatoires à mon métier d’historien, dirai-je comme m’a paru plaisante, certains jours, l’opinion d’Olivar Asselin et de quelques autres, croyant découvrir, en ma manière d’écrire l’histoire, l’influence et la manière de Michelet ? Le compliment est gros, même trop gros pour que je l’accepte. La vérité est qu’en mes années de préparation, je n’ai vraiment lu de Michelet que quelques rares morceaux choisis. Et même plus tard, en possession du grand ouvrage de l’auteur, je n’en lirai que quelques bribes par-ci par-là, et, je crois pouvoir l’affirmer, sans jamais me laisser envoûter par l’historien romantique que je trouve parfois déclamatoire et lyrique.

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Au printemps de 1916, à la fin de cette première année d’enseignement à l’Université, j’aurais volontiers formé un souhait : prendre le temps de me retourner, le temps aussi de me tracer un programme de vie et de travail. Je n’eus pas à me préoccuper de l’emploi de mes loisirs. Une mission assez importante m’attendait. Mandé chez le vice-recteur de l’Université, j’y rencontre le président de l’administration de l’École des Hautes Études commerciales, M. Isaïe Préfontaine. Tous deux me proposent et me pressent d’entreprendre, pour l’École, une longue tournée à travers les collèges classiques de la province de Québec. Tournée urgente, me dit-on. Hélas, à peine née, l’École des Hautes Études commerciales semble en pleine décomposition, acculée presque à la faillite : direction incompétente, et, par suite fatale, indiscipline parmi les professeurs et parmi les élèves. Désordre général. Dans le monde des politiciens, beaucoup, ai-je rappelé, avaient jugé