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lait connaître, plus tard, une fin tragique ; l’abbé de Lamirande qui, au Grand Séminaire de Montréal, je me souviens, avec l’abbé Melançon, le poète, parlait poésie et art et impressionnait beaucoup le petit paysan que j’étais.

Ma chambre me vaut au moins beaucoup de solitude. Je me remets tout de suite au travail. Mon voyage en Acadie m’a passablement reposé. Du reste, l’on ne me laisse guère le temps de chômer. M. Dubuc m’invite à prêcher la retraite de rentrée en classe des enfants de la paroisse : presque deux mille garçons et filles entassés dans le soubassement de l’église. Tension presque surhumaine pour capter, retenir l’attention d’un auditoire où se coudoient des petits, des moins petits, des grands. La Révérende Sœur Sainte-Anne-Marie, grand personnage de la Congrégation de Notre-Dame, qui ne laisse point de relâche à ses amis, celle-là même qui était venue me chercher à Valleyfield pour enseigner un peu de littérature et d’histoire du Canada à son Collège, m’invite, pour sa part, à prêcher la retraite au Couvent du Mont-Sainte-Marie. Je prends vivement goût à ce genre de ministère. Mais ce n’était là que travaux d’attente. Habitué à m’en remettre à la Providence qui a toujours si magnifiquement géré mes affaires, je ne laisse pas de me poser fréquemment la question : À quoi m’occupera-t-on demain ? Vers quoi devrais-je orienter mes études ? J’en suis là. Une chose m’était certaine : je ne pouvais, pour le moment, songer à reprendre quelque enseignement dans les collèges. Mgr Émile Roy m’avait appris cette chose stupéfiante : à mon exeat de Valleyfield, Mgr Émard avait