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premier volume 1878-1915

Départ définitif de Valleyfield

Rentré à Montréal, je dus m’occuper de mon installation. Et d’abord aller chercher à Valleyfield mes livres et autres objets. Quel visage m’y ferait-on ? Mgr Émard, toujours diplomate, m’avait écrit une fort belle lettre d’adieu, un document pour faire travailler les archivistes. Mgr Émard soignait volontiers son personnage pour l’avenir. L’un de ses anciens grands vicaires me le confiera un jour, l’Évêque de Valleyfield aurait écrit ainsi beaucoup de lettres qui n’auraient jamais atteint leurs destinataires pour n’avoir point franchi les murs de l’évêché. La lettre d’adieu de Mgr Émard ne débutait plus comme les autres, par le « Mon cher enfant », mais par le « Cher Monsieur ». Je la cite en entier :

Valleyfield, 14 août 1915.

M. l’abbé L. Groulx, prêtre

Cher Monsieur,

Pour donner à votre lettre du 5 du courant la suite que vous attendez, j’ai déposé votre « Exeat » entre les mains de Mgr É. Roy qui a dû le remettre à Mgr l’Archevêque. Je vous vois partir avec chagrin et vous le savez. Ce qui me console, c’est l’assurance des bons sentiments que nous garderons toujours réciproquement et aussi la perspective de l’utilité plus grande que sur un autre théâtre vous pourrez donner à votre vie sacerdotale. Je ne vous demande qu’une chose, de vous considérer toujours comme de la maison chez votre premier Évêque, et de venir souvent nous voir, sachant très bien tout le plaisir que nous fera chaque nouvelle visite. Mgr de Montréal me remercie chaleureusement de vous avoir accordé la permission de passer dans son diocèse ; c’est dire qu’il aura pour vous l’affection que je vous garde moi-même. Ce sera, avec les bénédictions de Dieu, le gage de vos succès dans toutes les œuvres qui pourront vous être confiées.

Croyez-moi toujours,
cher Monsieur Groulx,
Votre affectionné
et très dévoué en N.S.
† Joseph Médard,
Év. de V.