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Pour la « neuvième Croisade »

Une autre circonstance, mais de la même date, nous rapprochera davantage. La lutte scolaire franco-ontarienne entre alors chaque jour en sa phase orageuse. Le drame se resserre, en particulier dans la capitale outaouaise, siège principal de la résistance. De retour à Valleyfield, je continue de suivre la bataille de très près. En 1914, le matin du jour où s’ouvre, à Ottawa, l’un des congrès de l’Association canadienne-française d’Éducation de l’Ontario, les enfants de la paroisse de Walkerville, nous apprennent les journaux, s’approchent en corps de la communion. Le geste m’émeut. Il me paraît de ceux qui méritent d’être soulignés et amplifiés. Puisque l’on se bat en définitive pour l’âme des enfants d’une race, pourquoi ne pas enrégimenter, pour un acte comme celui des enfants de Walkerville, toute la jeunesse canadienne-française ? La manifestation me paraît de celles qui peuvent fortement émouvoir l’opinion et surtout agir avec puissance auprès de Dieu. Le 12 mai, sous le titre significatif et évocateur de : « Pour la neuvième Croisade », article recueilli dans mes Dix ans d’Action française, j’écrivis dans Le Devoir : « Je me suis demandé l’autre jour s’il n’y avait pas là, dans ce fait [la manifestation des enfants de Walkerville], l’indication du champ de bataille où il faut diriger tous les enfants de la province opprimée. Je me suis pris à rêver d’une communion annuelle, faite le même jour, de tous les petits héros qui veulent continuer de monter la garde autour de leur école… » Dans Le Droit, le Père Villeneuve — je l’avais consulté sur l’opportunité de cette manifestation d’enfants — relève tout de suite mon article, et relance le projet (Le Devoir, 30 mai 1914). L’Association canadienne-française d’Éducation d’Ontario y adhère spontanément (Le Droit, 2 juin 1914). À Montréal le comité central de l’ACJC y fait écho, écho qui se répercute dans toute la presse canadienne-française d’esprit national, puis dans les maisons d’éducation, puis dans les maisons mères des communautés religieuses qui émettent des mots d’ordre à tous leurs ressortissants. Le 18 juin 1914, dans un second article du Droit, le Père Villeneuve peut écrire : « L’étincelle est devenue un brasier. » La communion « pour la neuvième Croisade » a été fixée au 19 juin, fête du Sacré-Cœur. Ce