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premier volume 1878-1915

il est le professeur et parfois aussi le directeur spirituel, la soif et la flamme dont il brûle. Je n’irai plus à Ottawa qu’il ne m’invite à aller parler à ses jeunes religieux. Et toujours son motif sera le même : « Je veux, me répète-t-il, qu’on leur ouvre des fenêtres ; je veux qu’ils sachent ce qui se passe en cette société, en ce monde où, après tout, ils auront à agir. » Plus tard, le cardinalat, au dire de quelques-uns, nous gâtera quelque peu notre « Petit Père Villeneuve », ainsi qu’on l’appelle en ces premiers temps. Mais, vers ces années de 1913 à 1930, quel homme exquis et de quelle intelligence droite il est resté, mêlé à tous nos mouvements et toujours prêt à servir !

Notre amitié, ai-je dit tout à l’heure, semble remonter à 1913, à mon premier séjour à Ottawa. Ne serait-il pas du « Petit Père Villeneuve », cet article du Droit, daté du 31 janvier 1914, que je trouve dans mon premier spicilège, article signé de ce qui me paraît bien un pseudonyme : Yvon Léveillé ? Le signataire y rappelle mes prises de contact avec les groupes de l’Association catholique de la Jeunesse canadienne-française, à Ottawa, puis avec les jeunes filles du Couvent du Sacré-Cœur, quelques jours avant mon départ de la capitale. Devant ce dernier auditoire, j’avais pris pour sujet de ma causerie : « La politique de l’Angleterre et le problème des races au Canada ». Deux couventines, « au son lointain d’une harmonie imitative », sont venues me réciter « La leçon des érables ». Le journaliste s’empare de cette récitation pour former un vœu assez singulier à cette époque, et qui se réaliserait, au moins partiellement, quarante ans plus tard : « Puisse La leçon des érables être l’expression d’un vœu que formulent ceux qui ont entendu M. l’abbé Groulx… C’est lui qui faisait remarquer que chaque crise de notre histoire a enfanté un historien… Il est naturel d’espérer que… nos jeunes Canadiens et nos jeunes Canadiennes apprendront dans le vivant…

… parler maternel
Épopée ou romance où l’âme de leurs pères
Vient prier et vibrer d’un accent éternel,

l’histoire du Canada jusqu’à nos jours par l’abbé Lionel A. Groulx. »