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mes mémoires

cours pour dénoncer, à sa manière, c’est-à-dire sans ménagement, l’enseignement déplorable de l’histoire de l’Angleterre et du Canada dans nos universités et nos collèges. Cet enseignement serait même responsable de l’ignorance, en matières constitutionnelles, de nos hommes de loi et de nos politiciens. Je suis fort tenté d’écrire à M. Bourassa. Le 5 octobre, je lui adresse une lettre ouverte qui paraît dans Le Devoir du 27 octobre suivant. J’y donne raison au directeur du Devoir pour sa critique de l’enseignement de l’histoire du Canada dans le passé. Tient-il compte néanmoins du louable effort accompli, sinon dans nos universités, du moins en quelques-uns de nos collèges, depuis quelques années ? Là-dessus, je lui fais connaître, entre autres choses, l’enseignement qui se donne à Valleyfield, la composition du manuel mis entre les mains des élèves et la substance de ce manuel à propos de notre évolution constitutionnelle. M. Bourassa veut en savoir davantage. Il me demande l’autorisation de publier ma lettre. Ce qui se fait à Valleyfield se fait-il ailleurs et en combien de collèges ? Entre quelques autres, l’abbé Émile Chartier, pour lors professeur au Séminaire de Saint-Hyacinthe, envoie à M. Bourassa une réponse fort pertinente qui justifie mon intervention. Malheureusement les choses n’en resteront pas là. Voici que, de divers côtés, on réclame mon manuel d’Histoire du Canada, on me presse de le publier. Comment dire mon embarras. De ce manuel improvisé, rédigé à la diable, en mes rares moments libres, je ne cache point les effroyables insuffisances. Sa seule valeur, s’il en possède quelqu’une, serait de s’opposer au parfait néant, et voire à ces manuels d’Histoire du Canada en langue anglaise, un moment utilisés en certaines de nos maisons d’enseignement. Mal conseillé par de bons amis, je me mets à projeter un séjour de quelques mois aux Archives d’Ottawa. En ma totale inexpérience, je me persuade qu’en peu de temps j’amasserai assez de matière historique pour étoffer mon cours d’histoire et le mettre en état d’affronter la publication. Cette année-là, ma classe de Rhétorique, classe démembrée, se réduit à quelques élèves, dont un ou deux tout au plus, en état de prétendre au diplôme de bachelier. Deux confrères, complices généreux jusqu’à l’héroïsme, les abbés Antonio Hébert et Moïse Clairoux, s’offrent à me suppléer en classe. Mon vieux professeur, l’abbé Sylvio Corbeil, passé au diocèse d’Ottawa, me découvre une pension gratuite au