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premier volume 1878-1915

se séparer du bloc suspect. Intrigues pénibles qu’il vaut mieux ne pas raconter. Les petits milieux rapetissent tout à commencer par les hommes.

La question capitale revient. Puis-je continuer mon œuvre au Collège sans désobéissance, sans me donner l’air de me dresser contre mon évêque ?

— Non, ont répondu quelques-uns, puisqu’il y avait désapprobation de l’autorité.

— Mais précisément, y avait-il désapprobation ?

À aucun moment de mon séjour de douze ans à Valleyfield, je dois ce témoignage à la vérité, cette désapprobation ne m’a été signifiée explicitement, par voix autorisée. Bien au contraire. Et voilà pour ne pas diminuer mes perplexités. Sans doute, les démarches multipliées auprès de mes élèves ou de mes dirigés pour les séparer de leur directeur — et on n’a pas manqué de me le représenter — portaient suffisante signification. À coup sûr et à tout le moins aurais-je dû m’expliquer avec l’autorité, me disait-on. C’est oublier que les offensives déclenchées en haut lieu et dans le plus grand secret s’accompagnent chaque fois d’une défense expresse, aux séminaristes et aux collégiens qui en sont l’objet, d’en référer à leur directeur. Mis au courant par des tiers plus souvent que par les victimes, puis-je me servir de ces témoignages sans gravement compromettre ceux qui me les apportent ?

L’occasion de m’expliquer, je l’ai cherchée vivement. Deux fois au moins, cette occasion m’a été fournie et de façon peu équivoque. Et voici en quelles conjonctures. Souvent mes meilleurs amis me tenaient ce langage : « Pourquoi ne partez-vous point ? Puisqu’on dédaigne vos services, qu’on les juge même pernicieux, pourquoi vous acharner à rester ? » À quoi je répondais invariablement qu’un prêtre ne quitte pas un poste pour cela seul qu’il y rencontre contradictions ou épreuves. À quoi j’ajoutais qu’il faut tout de même attendre quelque manifestation de la volonté divine. J’ai toujours fait grand cas de ce conseil ou de cette réflexion de notre Mère Marie de l’Incarnation : « Les âmes pusillanimes font de lourdes fautes ne voulant pas passer outre à leurs appréhensions, et choisissant l’état de vie qui leur semble les devoir exempter de