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croisade ou de prosélytisme, même passion de la liberté. Ces maîtres seuls seront pour nous des maîtres de survivance.

Je développais une thèse fortement absolue, de ferveur exclusiviste pour le classicisme du 17e siècle. Doctrine qu’à la vérité je n’ai jamais pratiquée ni pour moi-même, ni avec mes élèves. J’ai eu, pour habitude et pour principe, de prendre mon bien partout où il se peut trouver, avec de grandes préférences, sans doute, pour les maîtres du classicisme éternel, et ce, par goût de ce qui est net, clair, équilibré, sans pourtant m’interdire les maîtres des autres écoles, dans la mesure où ils m’apparaissaient français. Ces banalités ne m’attirèrent nulle ovation. C’était déjà suffisant que l’on consentît à m’écouter.

En parcourant tout à l’heure ce discours dans le « Compte rendu du Congrès », pages 261-269, j’ai été surpris d’y retrouver les idées inspiratrices d’un petit poème que j’écrivis cette année-là : La Leçon des érables. Entre les deux, le poème et le discours, je trouve ces strophes dans le volume XI, no 6, février 1913, du Bulletin du Parler français, p. 236-237, avec cette mention : Poème dit par M. Dumais — c’était un professeur de diction — au Petit-Cap (excursion du Congrès). Et le poème est daté du 10 mai 1912. Il était donc écrit depuis un mois et demi avant le Congrès. Je l’avais composé, un jour de congé et de promenade, à Vaudreuil, au bord de la grande érablière de la « terre du bois », assis, je me souviens, sur un arbre mort. D’où l’idée m’en est-elle venue ? Du symbolisme, sans doute, que j’ai toujours cherché au fond de la nature. Peut-être aussi en aurai-je emprunté le sujet au Père Hoëllard, eudiste, professeur au Collège de Valleyfield, qui nous avait lu, à une soirée de l’Académie Émard, de fort jolis vers sur « Les érables roux ». L’idée me vint sans doute de célébrer les érables verts. Peut-être encore ce poème avait-il jailli du fonds d’idées que j’entretenais alors sur le rôle de l’histoire dans la vie d’un peuple, et sur l’interdépendance des générations. Mgr Émile Chartier qui, dans son cours de littérature canadienne-française à l’Université de Montréal, consacrait une leçon à ces strophes, s’appliquait, avec beaucoup de bonne volonté, à y découvrir tout le programme de mon action intellectuelle. Je retiens le souvenir de cette poésie parmi mes évasions hors du milieu collégial. On me l’a tant seriné, ce petit poème, partout