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premier volume 1878-1915

tuelle, encore moins à l’action catholique. Autant de carrières inconnues ou point ouvertes. Quiconque rêve plus grand que soi, tente d’élever ses aspirations au-dessus du froid individualisme professionnel ou autre, ne découvre de carrière où se dépenser et acquérir quelque notoriété, que la carrière politique. Et encore quelle politique ! C’est le temps, je l’ai déjà dit, où Laurier est roi. Le chef, le grand chef supplée tout, tient lieu de tout : de conviction, de nation, de patrie. Le servir, c’est tout servir. C’est alors qu’une jeunesse surgit à qui, avec fracas parfois, on ouvre des fenêtres. Une atmosphère nouvelle gonfle les poitrines. Des formes d’action s’offrent où faire de sa vie un réconfortant emploi. Rien d’étonnant qu’on s’y précipite avec entrain, avec enthousiasme, heureux de secouer les vieilles servitudes, grisé de ce vent de liberté. Bourassa d’ailleurs est là, bientôt entouré d’une équipe brillante, conquérante. La génération de jeunes qui nous suit n’aura pas de peine à partager nos idéaux, à s’enflammer pour des causes qui viennent à elle avec le prestige de la nouveauté et la promesse de l’action féconde. Ces jeunes-là savent que désormais la vie vaudra la peine d’être vécue. Climat spirituel, climat enivrant où l’on va respirer, vivre au moins vingt-cinq ans.

Et je n’en ai pas fini de m’extérioriser. C’est encore le Père Hermas Lalande, s.j., qui me demande, pour le Messager, un article sur « Écrivains et artistes catholiques » (1910), puis m’invite à collaborer au Semeur. C’est l’abbé Léonidas Desjardins, secrétaire général de l’Université (Montréal), qui me prie de prononcer le sermon du 8 décembre 1910, fête de l’institution. C’est le chanoine Georges Gauthier qui me prie, à son tour, de prononcer le premier sermon au carême de la Cathédrale de Montréal. C’est