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premier volume 1878-1915

connaissance au moins sommaire des principaux chefs-d’œuvre de la littérature.

Bien entendu je continue l’explication française. J’en fais l’article principal de mon enseignement de la littérature : affrontement avec les chefs-d’œuvre, étude de la technique et de l’art appuyée sur le modèle classique. J’applique la même méthode à l’étude des auteurs latins. J’invite l’élève à chercher lui-même les secrets de l’art dans la construction d’un simple paragraphe. Ensemble nous démontons, disséquons la fine architecture. Quelquefois, après l’explication faite en classe, je me donne la peine d’écrire cette explication. Mon dessein est de faire voir comment on peut rassembler et coordonner, avec un peu d’art, l’ensemble des notations de forme et de fond recueillies pendant l’étude d’un texte. J’ai découvert, l’autre jour, une de ces explications, dans la Revue de l’Enseignement secondaire au Canada (2e année, vol. 1, no 8, 15 mai 1917 : 281-285). J’en ai publié une autre, je crois, vers la même époque, dans les Annales térésiennes, soit sur Le Sommeil du condor de Leconte de Lisle, soit sur Le Cygne de Sully Prudhomme. Il doit en rester quelques autres dans mes cahiers de notes.

Et je pousse à la lecture. La lecture ! Était-ce lubie de ma part ? Toujours j’y aurai vu un élément substantiel, indispensable, de la culture classique. J’irai plus loin. Nul professeur, à mon humble sens, si cultivé ou si compétent qu’on le veuille imaginer, ne saurait, par son seul enseignement ou par la seule traduction des auteurs, ou la simple fréquentation des manuels, donner ou inculquer à ses élèves, cette substance d’images, d’idées, de culture, pour tout dire, sans quoi l’on ne saurait espérer de véritable formation de l’intelligence. Qu’il s’agisse de littérature, d’histoire, de science religieuse, l’enseignement du maître, sous peine de rester incomplet ou superficiel, aura besoin de s’élargir, de s’étoffer par des lectures parallèles et supplémentaires. Chacun, ce me semble, n’aurait qu’à faire appel à sa petite expérience. Qui oserait prétendre qu’il n’a pas autant appris, sinon plus, dans ses lectures que dans l’enseignement du meilleur des maîtres ? D’où l’extrême importance d’éveiller chez l’enfant et dès ses premières années de collège, le goût de la lecture, la passion du beau livre, fût-ce au début le simple roman d’aventure. D’où la même im-