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premier volume 1878-1915

M. l’abbé, je préfère mourir plutôt que de jamais commettre pas seulement un péché mortel d’impureté, mais quelque péché mortel que ce soit.

Je le regarde, les yeux mouillés, me disant en moi-même, devant cet enfant héroïque : Beatus es Simon Barjona quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui est in cœlis

Des prêtres de collège m’ont demandé parfois : « Est-ce que cela paie les œuvres de jeunesse ? » Ils voulaient dire : « Est-ce que les résultats compensent la peine qu’on s’y donne ? » Toujours j’ai répondu : « Sans doute, on ne réussit pas avec tous. La vie d’éducateur est souvent une vie d’affreuses déceptions. Mais le bon Dieu nous accorde assez de réussites pour récompenser plus qu’ils ne le méritent nos pauvres dévouements. Qui dira ce que l’on peut faire pousser sur le germe d’un jeune baptisé ? »

Je reprends ma classe de Rhétorique, cette fois un peu mieux équipé. Je n’éprouve pas, au même degré, ce complexe de timidité ou d’infériorité dont m’accablait, avant 1906, le sentiment de ma parfaite incompétence. J’enseigne de nouveau la littérature française, le latin et l’histoire du Canada. En cette dernière matière, j’achève et complète mon manuel.

Mes idées en pédagogie

Je ne reviens pas sur les théories de mes premières années d’enseignant. Sur la formule morale et chrétienne, mes idées, si elles se sont étoffées, enrichies quelque peu, n’ont pas changé. Où il y a peut-être renouvellement c’est en ma pédagogie d’enseignant. Je m’emploie surtout à réformer la composition française. J’en élargis le sujet et en améliore la méthode. Je m’en tiens exclusivement aux sujets sur lesquels mes rhétoriciens se peuvent renseigner de première main, soit par leurs manuels, soit par la bibliothèque collégiale. Les musées d’art n’étaient pas communs à Valleyfield. Pour donner à mes élèves quelque initiation artistique, je me suis muni, en Europe, d’une série d’estampes, de quelques douzaines de cartes postales, reproductions des grands chefs-d’œuvre de peinture et de sculpture ; je les dis-