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mes mémoires
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c’était encore à l’époque où j’avais la fantaisie de rimer, j’écris quelques vers que je transcris ici. J’avais intitulé la pièce :

Vision d’hôpital

Souvent, quand vient la nuit, je rêve à mon bon ange,
Qui veille au dur chevet où la douleur m’endort.
À mon oreiller blanc son bras fait une frange,
Et je sens, sur ma tête, une aile au duvet d’or.

Pendant que sur mon front sa poitrine se penche,
Je regarde en riant ce bel éphèbe blond
Dont le regard est doux comme l’étoile blanche
Qui voile son éclat au firmament profond.

Son nimbe fait un nimbe à ma tête endormie,
Sa grande aile s’étend pour me mieux entourer ;
Et sa figure est belle et si vraiment amie
Qu’en me souriant trop il me ferait pleurer.

Que souvent en ces jours de ma longue insomnie
M’aura fait plus serein ce regard fraternel !
L’orage de mon cœur se change en harmonie
Et ma peine s’achève au pays éternel.

Parfois, pour me défendre, une aile se replie ;
Le doux ange aux yeux bleus devient un fier vainqueur
Et pour que d’idéal mon âme soit remplie,
Sa bonne et tendre main se pose sur mon cœur.

Et là, tourné vers Dieu qu’il contemple sans voiles,
Il laisse l’infini s’allumer dans ses yeux ;
Il écoute là-haut la rumeur des étoiles,
Choreutes éternels qui dansent sous les cieux !


Hélas, le petit poème faillit m’attirer un épilogue fâcheux. À la clinique du Dr Clément, j’eus pour infirmière une charmante petite Sœur de Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours. Sans que je m’en aperçusse, la petite religieuse, je le crois bien, s’était éprise de son malade. Elle prit en pitié le petit étudiant qui venait de si loin et qu’elle sentait si isolé. Elle me soigna avec le tact et la tendresse d’une petite maman. Je lui lus mon poème. Elle en