Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
mes mémoires

pliant dans les milieux de jeunesse. Publié en deux séries, l’une porte à la première page, l’Idéal divin, l’effigie du Christ adolescent d’Hoffmann ; l’autre, la photo de Charles de Montalembert, jeune homme. C’est dire que la Croisade cherche à se répandre, à gagner toute la jeunesse, mais surtout celle des collèges ; elle s’implante solidement en quelques-uns. Par elle, mon ami l’abbé Émile Chartier et moi-même, nous projetons la fondation d’une Association catholique de notre jeunesse. D’autres, à peu près vers le même temps, travaillent dans le même sens. En 1903 un premier congrès jettera les bases de l’Association. Enfin elle naît tout de bon, cette Association, dans un congrès plus vaste à Montréal en 1904. L’opinion canadienne-française en subit un notable ébranlement. Un personnage d’envergure, survenu sur la scène, a sonné le premier tocsin et séduit tout de suite la jeunesse : Henri Bourassa. C’est le temps où s’organise contre l’impérialisme naissant, la Ligue Nationaliste, où commence à paraître Le Nationaliste d’Olivar Asselin : journal batailleur, quelque peu gavroche, mais d’une vie intense, d’une verve endiablée, bien fait pour éveiller et rallier les jeunes esprits. Enfin il semble que le règne asphyxiant des politiciens touche à sa fin et que l’air de notre pays devient respirable. Certes, nous étions entrés dans la vie en mécontents, le pied leste, le verbe cassant de jeunes réactionnaires qui ne pardonnent pas à leurs aînés d’avoir dilapidé l’héritage. De tous les mauvais guides, politiciens chevronnés, nous eussions fait volontiers, non pas un autodafé, mais des pensionnaires dûment relégués en quelque maison à la fois hospice et geôle pour vieillards malfaisants. Mais cette génération de 1900 porte aussi autre chose en son esprit. Le négativisme n’est pas fait pour la contenter. C’est à une œuvre positive, œuvre de