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premier volume 1878-1915
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cette question : où avais-je pris les éléments de cette méthode ? Je ne me connaissais nulle méthode qui me fût personnelle. J’étais allé à la méthode naturelle, normale, de la foi chrétienne. Les éléments de ma méthode, je les avais empruntés à l’Évangile, mais peut-être aussi, sans m’en rendre compte, à mes grands maîtres, les chefs catholiques de la France du milieu du dix-neuvième siècle. Ils m’avaient révélé les magnifiques noblesses de l’âme qui vit ardemment sa foi. Les Lettres de Montalembert et de Léon Cornudet, les Lettres de Lacordaire, de l’abbé H. Perreyve à des jeunes gens, les Lettres d’Ozanam à ses jeunes amis ont fait le reste. Mes articles de 1905 à la Revue ecclésiastique de Valleyfield, témoignent, en tout cas, que, dès cette année-là, je possédais les grandes lignes de ma doctrine en éducation et en spiritualité. Et j’ajouterais que, laissé presque à moi seul, dans un entourage où rares étaient les maîtres, je fus amené de bonne heure à chercher, puis à me forger une telle doctrine. La nécessité m’y contraignit, forcé de répondre aux exigences d’une jeunesse d’une rare élite. Au surplus, ce me semble, un prêtre peut toujours compter avec certaines illuminations ou inspirations de la grâce d’En-haut. Dans cette tâche ardue, j’essaie d’obtenir la collaboration des professeurs et des maîtres de discipline. Triple collaboration qui, menée avec tact et discrétion, permet de réunir sur le caractère, le comportement d’un collégien, les multiples renseignements indispensables à la conduite d’une entreprise d’éducation. Je m’impose de recevoir mes dirigés à ma chambre, une fois la semaine pour les plus grands, une fois chaque quinzaine pour les plus jeunes. Je les reçois pendant les récréations, à date fixe pour chacun. Mais leur nombre s’accroissant, la besogne a tôt fait de s’alourdir. Que de joies solides m’apporte quand même ce ministère ! Il en coûte quelque effort de déterminer un collégien à la conquête résolue de sa liberté et de sa personnalité. Il y va de toute sa formation d’homme et de chrétien ; il lui faut, avant toute chose, traverser victorieusement la crise de puberté. Victoire où importe, au premier chef, la détermination de l’adolescent. Entreprise ardue également que de construire, dans une tête d’enfant, une doctrine spirituelle cohérente, prenante, et de lui apprendre à la vivre dans son devoir d’état, dans sa vie quotidienne. Oh ! je ne le cache