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qu’elle est moralement nécessaire[1]et que, conséquemment, Dieu, l’auteur de la nature, l’interdit ou l’ordonne.

2. Les actes à propos desquels se manifeste cette règle sont, par eux-mêmes, ou d’obligation, ou illicites, et comme tels ils sont censés nécessairement ordonnés ou défendus par Dieu[2]. Voilà en quoi ce droit diffère non-

  1. Comment sommes-nous obligés, dit Vattel, à faire une certaine action ? C’est par la liaison d’un motif puissant avec celle même action. Ainsi il y a deux choses à considérer dans l’obligation : 1o le principe d’où elle nait, ou ce qui la constitue, ce qui fait l’obligation ; 2o l’état dans lequel nous nous trouvons quand nous sommes obligés. De là vient que l’on distingue l’obligation en active et passive. L’obligation active est la connexion du motif avec l’action. L’obligation passive est une nécessité morale d’agir ou de ne pas agir. Celle-là est le principe qui affecte l’être intelligent, et la seconde est l’état dans lequel se trouve cet être. L’obligation passive nait de l’obligation active, comme l’effet naît de la cause… Ce n’est point sans raison que nous nous arrêtons à démontrer cette origine de l’obligation passive. Les plus célèbres écrivains se sont bornés à indiquer l’effet de l’obligation, sans expliquer distinctement en quoi elle consiste. Quelques-uns ont défini l’obligation passive, et non point l’obligation active. « L’obligation, dit Puffendorf, est une qualité morale, en vertu de laquelle on est astreint par une nécessité morale, à faire, recevoir ou souffrir quelque chose. » Mais il ne nous dit point en quoi consiste cette qualité morale. Grotius se sert aussi de cette expression, qu’une action est moralement nécessaire, pour dire que nous sommes obligés de la faire, mais il ne définit point l’obligation. » (Essai sur le fondement du droit naturel, I, p. 7 et 8 de l’édition de Vattel, de Guillaumin.
  2. Le droit naturel, dont on retrouve des traces si évidentes dans Platon, dans Cicéron, dans Sénèque et dans les derniers monuments de la législation romaine, a reçu des jurisconsultes romains des interprétations différentes. Tantôt il a été considéré comme l’ensemble des règles de conduite qui découlent de notre constitution physique et de notre instinct ; tantôt on a vu en lui le produit de la nature ou de la raison naturelle de l’homme (Instit., liv. I, tit. III) ; tantôt enfin on l’a regardé comme l’idéal du droit (Dig. de just. et jur., I, liv. II. Pour Grotius, le droit naturel repose sur la nature raisonnable de l’homme. Avec les stoïciens, il le soutient immuable comme la nature de l’homme lui-même, ne pouvant être changé ni par un décret du sénat, comme disait Gaïus