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veilleusement composé qu'il semble l'effet seul de la nature.

En regard de celui-là, le portrait si pur, si chaste, d'Hcrniangarde de Polastron n'est pas moins heureu- sement dessiné . « C'était une nature sérieuse et contenue. . . Elle n'avait pas, elle n'aurait jamais eu l'ardeur d'en- jouement, le charme osé et vainqueur qui avait fait de son aïeule l'étoile la plus étincelante des Nocturnales de Versailles. Hermangarde, la chaste Hermangarde, avait une puissance bien moins conquérante et généralement bien moins sentie que celle de la marquise de Fiers, de cette éclatante blonde, piquante comme une brune, qui pouvait porter des deltas de ruban ponceau à ses corsets, sans tuer son teint et ses yeux, et qui se coiffait en Erigone aux soupers de la comtesse de Polignac. Seu- lement, pour ceux qui la comprenaient, cette puissance, Hermangarde, elle ! était autrement souveraine. C'était le charme qui rend le plus esclave et que la nature attacha à toutes les choses profondes qu'il faudrait déchirer pour voir. Sa beauté était plus royale encore que n'avait été celle de sa grand'mère. Mais l'idéalité de ses mouvements, de son sourire, de ses yeux baissés, aurait été méconnue au XVIIP siècle. M"*^ de Polastron avait en toute sa personne quelque chose d'entr'ouvert et de caché, d'enroulé, de mi-clos, dont l'effet était irrésis- tible et qui la faisait ressembler à une de ces créations de rimagination indienne, à une de ces belles jeunes filles qui sortent du calice d'une fleur, sans qu'on sache bien où la fleur finit, où la femme commence ! Le contour visible plongeait dans l'infini du rêve. Accumulation de mystères ! c'était par le mystère qu'elle prenait le cœur et la pensée. Espèce de sphinx sans raillerie, — à force de beauté pure, de calme, de pudique attitude, — et à qui