Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/63

Cette page n’a pas encore été corrigée

- 59 -

la eriliquo du terrible juge que l'ut l'auteur de V Ensor- celée. Aussi bataille-t-il à droite et à gauche, souvent à tort et à travers, pour son idéal méconnu ou méprisé. S'il s'était adonne à la critique en 1830, il eût été avec les triomphateurs du jour ; mais il n'y est venu qu'après 1850, et il s'est trouvé parmi les vaincus. Malgré tout, la pensée qu'il fait une besogne vaine, en essayant de remonter le courant de l'opinion qui s'en va du côté du réalisme, ne le décourage pas. 11 reste fidèle aux admi- rations et aux enthousiasmes de sa jeunesse : il ne les trahira jamais.

Je ne dis pas que sa critique n'ait dès lors qu'un intérêt rétrospectif et n'oflTre que le seul attrait d'une personnalité vigoureuse. Ce serait faire tort et injure à Barbey d'Aurevilly que de le supposer capable de se réfugier dans le passé pour échapper aux tendances de son époque. Très courageusement il suit le mouvement du siècle, non pour l'admirer, mais pour le juger. Et il le juge souvent avec clairvoyance, sagacité et finesse: car il n'est pas de ceux qui, de propos délibéré, demeurent obstinément fermés au bruit du dehors et n'entendent point recon- naître les mérites de l'idéal opposé au leur. Seulement, il ne s'est pas mis en garde toujours contre le parti-pris et ne s'est pas assez défendu contre les emportements romantiques et les excès de zèle « individualiste » de son humeur indépendante.

il parle quoique part (1) de « l'esprit qui juge » et de « la sensation qui enivre ». Naturellement, il domie à celle-ci la prédominance sur celui-là, et il se vante même de n'avoir d'autre loi que celle de sa sensibilité, d'autre mesure que la force ou la faiblesse de ses émotions. Prise

(1) L'Amour Impossible (éd. Lemerre, p. 160).